La source grise

mercredi 19 janvier 2011

Transport au Sénégal - Acte I

Le transport terrestre est une activité libéralisée au Sénégal, en dehors de l’initiative de Dakar Dem Dikk remplaçante de la défunte SOTRAC qui en prend en charge une partie du transport urbain dakarois, le transport urbain comme inter urbain est à la merci de promoteurs privés.

La libéralisation n’est pas une mauvaise affaire, nos faibles Etats n’ont en réalité pas les moyens de subvenir aux besoins multiples de la population dans ce secteur cependant, l’Etat doit mettre en place une organisation c'est-à-dire éditer des lois et des règles pour l’intérêt commun.

En effet, l’initiative privée doit être rentable mais aussi doit répondre aux exigences du service publique. L’exemple du projet des « TATA » résume l’état du transport au Sénégal. Les promoteurs privés de ce projet ont tous réussi leur investissement, à quel prix cependant ?
Le caractéristique majeur de ces minibus est la surcharge avec l’autorisation de la police de la gendarmerie et de toutes les autorités du transport au Sénégal. Un simple sondage prouve que les usagers les empruntent malgré eux. Le personnel technique comme commercial affiche une carence de formation notoire, les chauffeurs changent d’itinéraire selon leur bon vouloir, roulent à des allures extrêmes sans se soucier des clients qu’ils ont bien voulu laisser entrer sachant que ceux-ci seront debout et entassés comme des sardines, les receveurs, quant à eux défient la BCEAO en refusant d’emblée certains billets de banque, se disputent régulièrement avec leurs clients pour des histoires d’application aléatoire des tarifs, de monnaie ou de volonté de surcharger d’avantage le véhicule. A cela s’ajoute, le choix de s’aligner ou pas dans une ligne quelconque selon l’envie du chauffeur surtout en fin de journée, au moment où certains travailleurs viennent de terminer leur journée. Les chauffeurs de minibus choisissent l’itinéraire qui colle à leur chemin de retour à la maison laissant les usagers désespérés dans la gare. Il est ainsi fréquent de voir les minibus de Rufisque ligne 55 s’arrêter à Fass Mbao ou à Keur Mbaye Fall.

Les usagers des minibus Tata ne sont pas mieux lotis que les autres qui empruntent les cars dits « Ndiaga Ndiaye » ni ceux des fameuses « 7places » ni ceux des « cars rapides » et encore moins des Bus.


Rahou Cissé est un jeune Koungheulois qui après avoir savourer sa réussite au BAC par de bonnes vacances en famille, doit se rendre à Dakar pour s’inscrire à l’Université Cheikh Anta Diop.
Très tôt un matin de dimanche, après avoir préparé ses bagages composés d’un sac de voyage et d’un sac en sisal bourré d’autres petits sachets contenant du couscous, du « Mbouraké » des feuilles de Bissap, de Kinkéliba et de Nguer, s’en va sur la route nationale qui traverse Koungheul sur l’axe Est-Ouest attendant un véhicule de Transport venant de Tamba pour rallier Kaolack. Vers 10 h, une silhouette blanche apparaît à l’horizon vers l’est, sur la route nationale, on peut distinguer déjà un mouton debout sur le véhicule et la main d’un « apparenti » indiquant une destination mais surtout l’existence de places libres. C’est un véhicule de 14 places mais il contient déjà 15 personnes sans compter le chauffeur et « l’apparenti ». Arrivé à la hauteur de Rahou, fatigué par les gesticulations incitant le véhicule à s’arréter, ce dernier se stoppa net et l’apprenti courut vers les sacs qu’il pesa d’un acte banal mais maîtrisé. Un dialogue s’en suit entre Mansour le grand Frère de Rahou qui l’accompagne et « l’apparenti »

Apparenti : Kaolack, Mbirkelane, Kaffrine, où allez-vous et combien êtes vous ?
Mansour : Mais toi, tu n’as plus de place !
Apparenti : Montez ! Il y a qui descendent encours de route. Qui part ?
(Mansour consulte Rahou qui lui dit « Même à côté du mouton sur le porte-bagage, aller à Dakar en vaut la peine pour moi »
Mansour : Apparenti, c’est combien le prix d’ici Kaolack ?

Après le marchandage et l’accord sur le prix, « l’Apparenti » demande à Rahou de monter en attendant qu’il place les sacs au dessus mais celui-ci semble perdu et demande à l’apprenti de lui indiquer comment et par où, puisqu’il n’y a plus de place. En plus il lui demande de le laisser porter son sac de Mbouraké parce que le mouton en haut pourrait le manger. Moment que les clients à l’intérieur ont choisi pour exprimer leur ras le bol presque en cœur, ils disent :

Pas question de mettre l’odeur du Mbouraké dans le véhicule et d’ailleurs il n’y a même pas de place.

Le chauffeur très remonté par le temps que prend l’embarquement d’un client, appui sur l’accélérateur et le tour est joué, Rahou s’engouffre dans le véhicule et cherche à se placer dans un coin en attendant la descente annoncée de certains clients.
Aucun client n’est descendu jusqu’à Kaffrine où 4 personnes sont descendues et aussitôt remplacées par d’autre venant de la voiture qui les précédait et dont le chauffeur ne souhaite plus continuer vers Kaolack. Il avance comme argument qu’il ne gaspillera pas son carburant pour quatre clients, il les déverse donc dans un autre véhicule c’est le fameux YAKALE.
Il était presque treize heures trente, et le chauffeur avait disparu, l’Apprenti faisait semblant de ne rien savoir. Il se pointe à quatorze heures avec un sachet d’eau avec des gestes de la bouche qui atteste d’un repas pris, et demande aux clients d’embarquer pour le départ. C’était trop tôt, Yoro manque à l’appel et personne ne sait où est-ce qu’il peut être. Il se pointe trente minutes après avec une chèvre à la main et demande fièrement à l’apprenti de le porter sur le véhicule à côté de son mouton.

Daouda l’enseignant qui était dans la voiture n’en peut plus et décide d’en découdre avec l’équipage, les clients s’en mêlent et s’en suivi un grand bouquant qui a valu l’intervention d’un Gendarme pour que le véhicule reprenne le chemin. Il est 15H30.

Enfin le voyage reprend et les clients sont calmes à l’exception d’une banabana qui monologue et décrie le fait que son voisin est presque assis sur ses vieilles cuisses et la situation est intenable pour elle, « à la place de 4 vous mettez 5 comme si nous étions des animaux ». Son voisin de répondre « Yoon yaggul, nagn gnan Yalla éggali nu ci jamm rek, ku né dém yonam » (Le voyage ne dure pas, prions Dieu que chacun arrive à destination). Daouada éclate et s’en prend à celui-ci en ces termes : « vous acceptez tout ce qu’on vous fait ce qui encourage ces voyous qui ne cessent de nous infortuner alors qu’on paie notre argent d’ailleurs dés Kaolack je prendrais une « 7places » au moins tu seras tranquille.

La discussion est arrêtée nette par l’arrêt de la voiture obligé par un agent de sécurité qui fait le tour du véhicule et salue poliment le chauffeur à qui il demande ses pièces et se retire vers son véhicule qui est placé un peu loin de la chaussée.
Le chauffeur appel l’apprenti, murmure et celui-ci lui donne quelque chose. Il sourit largement et rejoint l’agent de sécurité avec lequel il discute pendant vingt minutes avant de rejoindre le véhicule.
C’est le village de Mbirkelane et on peut apercevoir les femmes au puits entourées d’ânes qui attendent certainement d’être servis en eau sous le soleil ardent, il est 16h45.

Le chauffeur ne semble pas très satisfait de son entretien avec l’agent de sécurité et cela n’a pas échappé à son apprenti qui lui demande s’il a retrouvé ses pièces, affirmatif ! répond t il.
Le voyage semble s’accélérer et pendant ce temps, Rahou dormait et se réveillait alternativement en des séquences courtes et demande à chaque réveil si on est proche de Dakar et si l’apprenti veille sur son sachet de Mbouraké à la portée du mouton.

A 18h30 la voiture franchit le pont à l’entrée de Kaolack entouré de tas d’immondices à perte de vue que se partagent les animaux errant et quelques personnes sûrement des « Bujuman ».

Daouda se désole de constater que sa chemise est entachée d’urine des animaux placés sur le toit du véhicule et s’en prend au chauffeur et à l’apprenti qu’il traite de tous les noms d’oiseaux.
Rahou s’approche de lui et demande comment il faut faire pour rallier Dakar et Daouda de lui proposer de voyager avec lui qui va aussi à Dakar.

Rahou est le fils d’un artisan
A suivre...

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