La source grise

lundi 17 mai 2010

50 ans de contraste

"C'est parce que le peuple n'est pas satisfait que nous sommes débarqués du pouvoir en 2000" tels sont les propos du porte parole adjoint du parti socialiste sénégalais et cela résume le bilan des quarante premières années d'indépendance.
Pour les dix premières années, le jugement peut se faire avec beaucoup d'indulgence, l'euphorie de "la libération" emporte les dirigeants qui s'en enorgueillient et le peuple qui entrevoit un meilleur avenir en le portant dans ses bras. Par ailleurs, puisque la libération est négociée, l'indépendance n'était pas totale dans les deux sens en effet, La France continue à aider son "Protégé" mais aussi continue à bénéficier des mêmes faveurs du tutorat; ce n'était pas encore le néocolonialisme mais la passation de pouvoir. Ce fut aussi pour le peuple un début d'émancipation marqué par les événements de 1962 avec la crise politique au sommet de l'Etat ayant conduit à l'arrestation du Président du Conseil et par la grève de 1968 qui a conduit à des arrestations massives et des enrollement de force dans l'armée.
Les dix années suivantes (70 à 80)ont servi d'expérience à un Président omnibulé par la culture et qui pense que celle-ci peut conduire le développement d'un pays, il a été malheureusement surpris par la sécheresse mais aussi par d'autres facteurs tels que l'archaïsme de l'agriculture, de la pêche et de l'élevage, l'absence d'industrialisation, le niveau d'alphabétisation très faible etc. cependant, une administration bien structurée a été mise en place au point que tous les sénégalais voulait bien être dans le public. cette période a été scellée par le Départ de L S Senghor et l'arrivée au pouvoir de A Diouf.
Les dix premières années de Diouf au pouvoir sont marquées par une légitimation d'un choix de Senghor non partagé par les barons du PS, de constitution d'un groupe de confiance face à ce défi d'où l'émergence de nouvelles autorités politiques notamment Ousmane Tanor Dieng, Khalifa Sall. C'est aussi dix années de pilotage à vue, seule l'administration a fonctionné presque normalement, les défaillances économiques s'accentuent, la balance économique est chroniquement déficitaire, tous ces facteurs identiques aux états de la zone CFA ont mené à la dévalorisation de la monnaie CFA et à l'adoption de plans d'ajustement structurel. Ces plans ont accentué la souffrance de la population qui en a marre de ses dirigeants et qui n'arrive pas à déjouer la machine électorale mise en place. Cette frustration a failli tourner au vinaigre en 1988 après les élections présidentielles très controversées, il s'en est suivi un dialogue politique favorisé par l'essoufflement de l'opposition qui ne parvient pas malgré sa popularité à prendre le pouvoir et par la crainte d'une guerre civile saupoudrée par la crise casamançaise qui prenait de l'ampleur du fait que tous les motifs initiaux se sont accentués: la région devenait plus enclavée avec l'instabilité de la Gambie, l'agriculture s'affaissait à grand pas au point que le titre "Grenier du Sénégal" est renié.
La deuxième partie des mandats de Diouf est meilleure en terme de politique économique et de stratégie de développement qui, malheureusement ne feront effet que bien après donc ne baissent pas l'humeur désagréable de la population qui voit le pouvoir d'achat baissait de plus en plus ce qui anime la tension sociale d'où l'omniprésence des syndicalistes dans la rue. Grâce au rapprochement politique, le PS garde le pouvoir encore en 1993 mais perd de plus en plus de sièges à l'Assemblée Nationale et tente de caser les mécontents du parti dans un Sénat décrié par toute la population sénégalaise et les institutions mondiales. Les remous continuent à troubler le sommeil des dirigeants du parti socialiste qui se divisent en plusieurs tendances puis en courant etc. peu importe les termes, la division est officialisée par le fameux Congré sans débat qui a intronisé Tanor Dieng qui était le "vice président du Sénégal" et le premier secrétaire du PS. Les résultats de l'ajustement tardent encore, l'électricité fait défaut dans tout le pays, malgré "la privatisation" si on peut l'appeler ainsi, accentuant la faiblesse des entreprises et la colère des syndicats. Le pays est à l'agonie, tous les secteurs sont paralysés, le peuple s'impatiente et n'entrevoit pas Dakar comme Paris,l'opposition s'organise et range les idéaux de côté pour former une coalition à objectif unique: Bouter le PS hors du pouvoir.
Vous comprenez que nous sommes en 2000, année d'élection présidentielle, le PS affronte l'opposition amenée par Abdoulaye Wade et perd le pouvoir le 19 mars à l'issu d'un deuxième tour.
Une nouvelle ère est née, au moins pour sept ans, Maitre Abdoulaye Wade tentera de matérialiser ses brillantes idées développées durant toute sa carrière d'économiste et de politicien. naturellement comme le ferait tout africain, son premier chantier est la consolidation du pouvoir quitte à pécher dans les eaux bannies et encore plus trouble que d'habitude du parti socialiste. Le second du PDS Idrissa Seck déclare que l'objectif d'un parti politique est de se massifier peu importe la qualité des adhérents, il va même jusqu'au chantage pour obliger certain à adopter le bleu du libéralisme sénégalais. Le mandat démarre par un désordre politique symbolisé par la cassure des blocs politiques, oui les idéaux refont surface, la préservation de certains privilèges guide la destiné de plusieurs barons du PS, bref le pays joue la prolongation du changement jusque dans la constitution. Dans ce brouillard, A Wade cherche ses hommes, c'est le défilé dans les ministères, les records tombent, ministre pendant moins d'une journée, pendant quinze jours etc. Les idées et les méthodes se précisent mais le peuple est impatient, la période de grâce devient très longue pour lui et Wade s'inquiète mais met en œuvre une ruse politique pour occuper le peuple pendant qu'il déploie ses actions cependant sans élégance ni orthodoxie, c'est le cadet de ses soucis. Il sauve in-extremis son pouvoir malgré la plus grande trahison politique vécue au Sénégal. En effet, l'environnement du palais est gangréné par la soif de pouvoir et de richesse et empêche le Maître de dormir au point de rappeler la famille et principalement le Grand frère dans l'ombre et le fils au vu et au su de tous. Des intérêts stratégiques, non encore démenti, serait à l'origine du limogeage de Monsieur Idrissa Seck qui a parlé de partage de butin donc d'un bien mal acquis. Me Wade est réélu malgré les défaillances politiques, l'opposition crie à la fraude et déclare Le Président illégitime, c'est le début d'une lutte d'ignorance mutuelle entre le pouvoir et l'opposition symbole d'une absence de dialogue politique. La population a retrouvé l'espoir avec les chantiers annoncés ou lancés, Me Wade consolide ainsi son pouvoir et tente de rayonner en Afrique et dans le Monde, le Sénégal est presque incontournable en Afrique et suscite un intérêt particulier pour les grandes puissances (peut-être qu'il y a un butin - non excusez - un trésor caché dans ce petit pays), les milliards, vocabulaire de base, tombent de partout par millier, une nouvelle classe de riche est née, les grues et engins des entreprises BTP hantent les voies, les paysans sympathisent avec les engins agricoles et les éleveurs avec les techniques d'insémination artificielle qu'on nous a toujours appris à l'école, théoriquement bien sûr. Les pluies de milliards aiguisent les appétits et relance la corruption qui atteint un niveau jamais égalé pourtant dénoncé par le Maitre qui fait l'éloge de la bonne gouvernance dans toutes les conférences mondiales; complicité ou impuissance? Seul Dieu Sait, et lui bien sûr. La crise économique, par le biais de la flambée du prix du baril de pétrole qui plombe les actions du Maître anéanti tous les espoirs et fait gronder le peuple qui endure les conséquences d'une hivernage pluvieuse combinée au dérangement du relief dans la capitale. Le peuple manifeste et attire l'attention du Maître en sanctionnant son parti lors des dernières élections locales.La panique gagne le pouvoir qui se fracasse et tente de se réorganiser par la création d'un unique parti fédérant les alliances, sans dévoiler le jeu de certains courants ou tendances qui rappellent surement quelque chose. La campagne électorale en vue des élections de 2012 est lancée par le Président qui annonce sa candidature prochaine, est-ce une des ruses politiques, est-ce une course d'endurance financière pour épuiser les potentiels concurrents? En tout cas l'opposition tergiverse sur la stratégie à adopter et perd le fil et s'agrippe sur un monument, non statut, je me perds chacun y mettra son sien en tout cas un joli truc qui a coûté cher mais qui, nous l'espérons, fera entrer plus qu'il a couté.
L'ESPOIR est encore là et suscite même une paix en Casamance, mais les lendemains politiques sont incertains, il y a trop de fausses notes et les citoyens se perdent, seuls les politiciens "pro" se retrouvent.